Tout néologisme est au moins pour deux raisons intéressant, l’une linguistique, attachée à sa genèse, à sa formation même, l’autre idéologique-politique, sociale ; c’est en cela qu’il n’est pas excessif, qu’il n’est pas point ou simplement douteux, faux d’en faire un fait sociolinguistique où la réponse lexicale, qui se veut adéquate, ne fait que combler un vide, compenser un manque d’ordre interne à la langue soumise à une pression externe ; s’y entrecroisent ainsi la langue et la politique, la langue au service de la politique. Un exemple tout récent (Mai 2023) tient au mot dé+civilisation filé et égrené par le discours médiatique depuis que proféré par Sa Majesté, le Maître des horloges, Monseigneur Macron, le président des Français. La parole présidentielle serait –elle une MD (marque déposée), à ce point vénérée, prophétisée et mobilisatrice pour confiner au monarchique? La charge est pourtant bien politique et sans l’arme linguistique, sans la caisse de résonnance médiatique, elle risque d’être un coup d’épée dans l’eau
La France est menacée, travaillée en profondeur par un processus de dé-civilisation jamais à ce jour observé. Une lame de fond venue de loin est en train de laminer des siècles de civilisation judéo-chrétienne…de chez nous. Pourquoi- se le demanderait-on encore ?- les journalistes s’enfièvrent-ils ainsi, les plateaux de télévision gigotent –ils, tanguent-ils de la sorte à l’évocation d’un mot ? Pourquoi s’égare-t-on en commentaires et explications de texte à cause d’un mot dont notre maître B. Cerquiglini dira, peutêtre, un mot dans l’une des prochaines livraisons du FdM (Le Français dans le Monde)
Pourquoi s’indigner des mots, triturer les mots, interroger les mots quand les faits ‘’sautent aux yeux pour les crever’’ ? Il ne manquerait pas, lui, le linguiste attitré de rappeler que le préfixe privatif latin dé- indique une rupture qui peut aller jusqu’à une négation. Il faut être une meute, de surcroît, affamée pour se jeter en se bousculant sur une si pauvre pâture. Une chose est sûre : La France s’ensauvage ; dit autrement, de civilisée, elle devient sauvage comme certaines plantes qui, jalousement et dans l’art, cultivées, renouent avec quelque biotope

La charge est pourtant bien politique et si bien circonstanciée. La France est-elle à ce point menacée, au bord du chaos, prête à sombrer, ballottée par les houles comme un bateau en mer. D’où lui viennent donc ces houles comme levées par une lame de fond ? Pour ‘’nombriliser’’ à meurtrir le cou, à force de ‘’narcisser’’ à perdre la tête, le président de tous les Français semble s’enivrer de pouvoir et, en enfant gâté, prodige, premier de la classe et « de cordée », s’obstine à prendre les Français pour des incultes, illettrés, égarés.
Illuminé imposteur qui a gagné à toutes les parties de cartes jouées, alors pourquoi ne pas continuer, pourquoi écouter et s’assagir ? Par un tour de force sans mérite, il regroupe sous un même mot des faits différents : Quel(s) est/sont le(s) rapport(s) entre le meurtre d’une infirmière sur son lieu de travail, l’accident de la route qui a coûté la vie à trois jeunes policiers et l’incendie criminel du domicile du maire de Saint-Brévin-les Pins ?? Sans doute, faut-il pour chacun de ces épisodes criminels (puisqu’Il veut les mettre en abîme, en série) convoquer et analyser les circonstances, identifier, en premier, leurs auteurs : un déséquilibré mental, un automobiliste en état d’ébriété et une meute de militants de droite opposés à l’accueil des migrants dans la commune?? Il n’y a pas de quoi crier au désastre, hurler au chaos, annoncer une déchéance imminente, la fin programmée de la civilisation
Pour une fois, les arabes musulmans sont absents, occupés par quelque prière nocturne. Macron compte-t-il alors bloquer le processus de dé-civilisation en cours et parallèlement, en même temps, re-civiliser la France avant que ce ne soit trop tard ? Quelles solutions politiques propose-tـil pour remédier à ces maux qui rongent la société française, éradiquer ceux-là mêmes qui sont autant de motifs d’une « déchéance civilisationnelle »; il faut agir vite avant que la droite n’investisse l’Elysée, que Marine ne se mire aux glaces du Palais et ne se prélasse à l’ombre des saules pleureurs, ses chats sur les genoux. Sans doute, faut-il élever le débat et mépriser les luttes stériles, les antagonismes sans fondement, les calculs égoïstes des politiques, lire de S. Rozès Chaos : Essais sur les imaginaires des peuples (Editions du Cerf, 2022) et se poser la question : L’imaginaire français rentre-t-il naturellement en contradiction avec la globalisation néolibérale ? L’ordre mondial imposé par les puissances de l’argent et la force des armes sert-il les intérêts légitimes des peuples et les fragiles équilibres d’une nature en souffrance ? La tyrannie des imbéciles ne tient –elle pas d’abord et, avant tout, aux divisions sans vision de politiques cloués au chevet d’une démocratie malade.Par BIHI