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Les trois macaques.

[ALLNEWS]10 فبراير 2025
Les trois macaques.

Sans doute, connaissez-vous les trois macaques, cette célèbre et si familière figurine montrant trois macaques sagement assis côte à côte le premier, de deux pattes jointes couvrant les yeux, le second bouchant les deux oreilles, le troisième appliquant ses deux pattes antérieures sur sa bouche, l’ordre n’étant pas toujours pertinent. Mais, d’autant plus séduisante et expressive, la figurine, qu’elle en vient à se banaliser en un bibelot, disais-je, familier, un sympathique objet de décoration. On en dénombre ainsi de très nombreuses représentations (autour de 4000) et diverses interprétations.

Mais, que nous disent, au vrai, ces trois macaques dont les gestes explicites et la posture n’imposent guère un ordre immuable. On s’étonnera d’abord de les voir ainsi assis sagement et comme obéissant à quelque secrète injonction, eux d’habitude, si véloces, espiègles  et fort remuants, au moindre bruit de la forêt, éveillés. Peut-être, nous appellent- ils d’abord, au prime abord, directement à éviter, refuser de voir, d’entendre et de parler, à neutraliser nos sens les plus élémentaires : D’instinct, on voit sans regarder, on entend sans écouter et on parle sans vraiment  nous engager à énoncer à nous impliquer (Quand dire c’est faire !).

Est-ce là leur premier  message ? Mais que doit-on éviter de voir, d’entendre ou de dire ? A quel impératif de sagesse, nous convient-ils de nous plier, à quel code de conduite nous enjoignent –ils de nous assujettir ? On peut, bien entendu, remonter très loin jusqu’aux Entretiens de Confucius (entre 479 et 221 avant JC), à une première interprétation mais l’on sait par l’histoire que très progressivement, le succès du thème (comme c’est souvent le cas dans des aires culturelles voisines) et qu’assez rapidement (en vertu des échanges économiques) a submergé l’interprétation-source et oblitéré la philosophie ou l’idéologie-mère.

 La figurine à peine  ou manifestement modifiée et légèrement adaptée sous de nouvelles configurations est comme ‘’tombée dans le domaine public’’ et ses interprétations se sont diversifiées en fonction des pays, des cultures et des domaines d’investissement, essentiellement politique, religieux  ou philosophique.

L’interprétation la plus courante, la lecture populaire, disons, sans préjugé, la plus triviale, c’est à dire, la moins prétentieusement philosophique et la moins soucieuse de l’histoire peut, néanmoins, tenir en cette assertion  clairement énoncée : Si l’on veut se mettre à l’abri des engagements extérieurs à la sphère personnelle, conjurer les risques encourus à cause d’un regard insistant et curieux, d’une oreille indiscrète, d’une parole critique ou simplement inquiète, que l’on veut se prémunir de tout témoignage portant sur les faits et les dires observés ou entendus, que l’on veut enchaîner sa langue…alors, il faut, au défaut de s’ingénier à les maîtriser,  empêcher de fonctionner en les annihilant vos sens élémentaires, la vue, l’ouïe et la parole, se résigner à être aveugle, sourd et muet devant les injustices, les abus, les privilèges, la domination sous toutes ses formes, admettre d’observer, écouter et se taire devant la misère accablante d’une majorité dominée qui vit dans le besoin et la peur et la richesse scandaleuse d’une minorité sans scrupule, cupide, assoiffée d’or et d’argent.

Quelle leçon de sagesse, s’accorde-t-on,  à dire, quel infaillible appel au pragmatisme et au discernement, à l’intelligence des faits et des choses,  au  sens et à la conscience (même diffuse) des rapports de force politiques et, plus généralement, à l’empirique mais juste connaissance des méandres du commerce des hommes !!

Là où la liberté d’expression est assiégée, contrainte par la violence et/ou le droit institué, durement sanctionnée, férocement punie au premier dépassement des lignes mouvantes mais au fer rouge chaque fois tracées, il faut rejoindre le groupe des macaques, être macaque parmi les macaques.

Là où la parole est codée, bornée par le politiquement correct et le définitivement sacré, tout semble soit comme pour toujours figé, soit comme pris dans un moutonnement sans relâche berçant ; la machinerie politique paraît tourner à vide, ‘’ronronner aux salons’’ comme une vieille horloge…Il faut alors prendre les postures des macaques, être macaque parmi les macaques.

Là, les macaques nous disent, en fait, de nous tenir cois, de demeurer sages et résignés, de détourner nos regards, mieux, de fermer nos yeux, d’enchaîner notre langue et de boucher nos oreilles…pour ne pas être tenté de s’indigner, de dénoncer, décrier , incriminer, pour éviter d’être appelé à témoigner.

La sagesse, disait mon mentor de Cavanna, a une seule vertu, celle d’être relative (je cite de mémoire) : Si la morale religieuse nous appelle à intervenir chaque fois que se présente sous nos yeux un méfait (une injustice, un abus), pour agir, dénoncer ou, en notre for intérieur nous borner à condamner, elle nous convie en même temps à toute la circonspection qu’exigent la situation et le contexte et précise que,  à défaut de l’action,  il est nécessaire de passer à la parole et si la parole est muselée, la convertir en une intime conviction, une condamnation sans écho et sans effet et ‘’c’est là le moins qu’on puisse faire, la moindre exigence pour une juste réaction’’. La sagesse populaire, la vox populi nous enseigne, par ailleurs, de ne jamais nous précipiter à témoigner et, pour cela, nous conseille de toujours  ‘’avancer’’ avant toute énonciation le Mim, la lettre ou le phonème qui contracte le Ma, le forclusif  de la négation de l’arabe (ma…š), autrement dit, de toujours commencer par adopter la forme et le type négatifs :  « Je n’ai rien vu, je n’ai rien entendu »…Ne pas témoigner n’est pas une démission morale, l’échec d’un engagement politique, c’est une posture qui assure ‘’la paix’’ (personnelle, individuelle) et préserve des tracas et ennuis : L’enseignement est, on ne peut, plus clair ! Mizaru, l’aveugle et Kikazaru, le sourd épargnent à Iwazaru toute propension à la parole et le monde va d’un pas toujours le même, menant les uns vers l’aisance et les facilités de la vie et les autres vers le besoin et les difficultés de la survie.

Mais, au-delà de la sagesse populaire et de son corpus de proverbes, par- delà, les comportements dictés par de petits profits et de minces privilèges, par les turpitudes de la misère, par- delà les recommandations de la religion, il y a le pouvoir des hommes, le système politique, ses rouages et ses atavismes, ses inerties et aveuglements, les intérêts de sa pérennité…C’est bien lui qu’interroge et interpelle notre figurine : Quel régime politique peut– sans se discréditer, s’ensauvager et sévir– s’obstiner à condamner à la cécité , à la surdité et au mutisme la communauté des citoyens qu’il est censé servir et protéger des souffrances des maladies, des affres des précarités et des dérives de l’ignorance ?

Ce régime peut exister; il lui suffit pour exister de : a. hisser en les instituant (et imposant au nom de la Loi) les quelques barrières qui interdisent l’accès à l’information, b. contrôler les médias, empêchant toute presse libre de s’exprimer, multipliant les procès qui conduisent les journalistes indépendants à la prison ، c. exercer menaces et pressions sur les acteurs de la société civile pour les affaiblir, les diviser et limiter l’impact de leurs actions et, enfin ، d. mettre la Justice au pas, domestiquer, ‘’makhzéniser’’ un appareil dont la vocation première est de rendre la justice en toute liberté et sans la moindre discrimination، e. d’intégrer les partis politiques en les associant à des pratiques anti- démocratiques, les entraînant dans un jeu de compromis et de complicités qui finissent par les discréditer et les abaisser au rang de figurants de la scène politique. Sous un tel régime, on ne peut que manquer d’audace à vouloir reprocher aux macaques leur démission.

Ce régime peut  bien exister; il lui suffit d’interdire la libre expression d’une parole qui apporte la contradiction en dénonçant les abus, les prises d’intérêts, la corruption, le népotisme, l’enrichissement illégal, la dilapidation des deniers de l’Etat, les privilèges de l’impunité, en démontant des politiques centrales injustes, incohérentes, précipitées, en révélant les injustices et les inégalités qui rongent le corps social, en imposant le débat sur des questions d’actualité et des chantiers prioritaires : le chômage, l’économie informelle, l’école publique, l’Enseignement, ses disparités, ses insuffisances et ses tares, la santé et ses misères, le logement social,  les infrastructures du monde rural, les travaux de construction en faveur  des victimes du dernier séisme…Sous un tel régime, les macaques figés dans leurs postures  témoigneront à leur manière de la ’’ force des choses’’.

Les libertés fondamentales, la liberté d’expression, la première, la solidarité et la justice sociales, la gestion et le partage équitables des richesses nationales sont aujourd’hui d’autant plus incontournables que le monde entre dans une ère nouvelle aux horizons incertains, celle de la recherche d’un nouvel équilibre des forces à l’échelle planétaire,  de la quête de nouvelles alliances, celle de cette nouvelle guerre économique des barrières tarifaires; le monde devra faire face à une situation inédite depuis la SDN  (Société Des Nations) : Les Institutions et instances internationales vacillent sous les coups de boutoir et les agressions armées des puissances militaires et de leurs acolytes expansionnistes ; la folie des grandeurs, les velléités d’hégémonie d’une poignée d’hommes entraîneraient le monde dans un tourbillon de poussière irrespirable et une spirale de haine  inextinguible.

Dans un tel contexte mondial, seul un pays fort par ses Institutions et ses politiques internes peut prétendre offrir des gages de sécurité, de justice et de puissante souveraineté à de nouveaux partenaires et s’afficher ainsi en pays libre et sûr de ses engagements….Alors, libérons les macaques, laissons-les regarder, observer, scruter, entendre et écouter, laissez-les porter haut leur parole, ils n’iront jamais  au-delà des intérêts suprêmes de la Nation.

Il vaut mieux dé-battre que simplement battre, l’étymologie n’y étant  pour rien. Les macaques le savent bien mais figés dans leurs postures, ils attendent des jours meilleurs.

L’écrivain public.

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